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n° 63
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n° 64bis
carnet noir n°63 / 2002

Dimanche 24 novembre 2002
Un sein au soleil,
comme un champ d’herbe bien grasse,
avec son mamelon qui bande.

Une vulve qui s’entrouvre,
comme les fleurs des prés,
avec son pistil qui pointe.

La terre est toujours la terre.
Elle aime le ciel qui, avec son phallus lumineux, l’éclaire et la chauffe de ses rayons dorés tout au long du jour.

Sans cette créatrice présence, seule avec elle-même, elle serait stérile. Elle s’aime beaucoup, la terre, mais elle sait qu’aucun plaisir onaniste ne peut remplacer le battement d’aile des papillons éphémères. Elle a besoin des présents des présents qu’il apporte avec lui, et sans lequel elle ne peut simplement pas exister.
Le jour, la terre se donne au ciel diurne de tout son corps de terre et, durant la nuit, elle ferme les yeux, seule avec elle-même. Elle attend, humide, le retour de son bien-aimé qu’elle va bientôt engendrer. Dans le noir de sa nuit, elle est un peu saoule de ses amours de la journée, et la tête lui tourne. Elle expire lentement tout l’oxygène accumulé dans ses poumons d’émeraude et le monde ivre avec elle, ne connaît plus ni tabous ni interdits.
La poule est embrassée en secret par le Renard, pâle de désir, qui frissonne avec elle au contact de la soie de ses plumes noires. Le serpent franchit la frontière sacrée. Il danse et ondule avec le squelette qui brandit vers le ciel obscur ses mains d’osselets divinatoires pleines des diamants découverts dans les profondeurs maternelles de la terre. La forêt, hallucinée par le scintillement des étoiles, bat sourdement du tambour et approfondit son mystère. Les cavernes écartent les cuisses et espèrent les ancestrales caresses picturales au fond de leurs entrailles. Dans la mer, l’huître s’ouvre au grain de sable du désert, la moule se fait femme et le poisson d’argent frétille.

Les anges dorment.

Les rêves ont perdu la raison et l’irrationnel règne dans le cœur du monde.